Pierre Hausswalt – SNCF

Quels sont les enjeux actuels pour votre secteur ?

Le secteur du transport ferroviaire connait des transformations profondes qui interviennent simultanément. D’abord, le marché s’ouvre à la concurrence en France : c’est le cas sur la grande vitesse avec l’arrivée de nouveaux opérateurs mais aussi pour le transport régional avec un nombre croissant de régions qui ouvrent le marché par appels d’offre. Mais, on le dit trop peu souvent, la SNCF évolue d’ores et déjà sur d’autres marchés en concurrence : le fret ferroviaire en France, le transport public urbain avec Keolis, la logistique internationale avec Geodis. L’ouverture à la concurrence conduit l’entreprise à se mobiliser pleinement pour concevoir une offre de haut niveau, capitalisant sur son savoir-faire, son expérience et sa connaissance du marché français. L’autre grand enjeu est la transition écologique : c’est une tendance qui s’impose à toutes les entreprises mais la SNCF a une carte à jouer : nous avons un outil de travail, le train, à la fois faiblement émetteur et capable de répondre aux besoins de transport des Français. C’est une chance.

Comment votre organisation permet-elle d’y répondre ?

L’organisation de la SNCF a changé le 1er janvier 2020 avec la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018. Auparavant, elle était organisée autour de 3 EPIC. Désormais, l’organisation rassemble une SA de tête (SNCF SA) qui assure le pilotage stratégique et financier, SNCF Voyageurs (avec la grande vitesse, TER, Transilien, Intercités), SNCF Réseau (l’infrastructure ferroviaire) et sa filiale SNCF Gares&Connexions (les gares) et Rail Logistics Europe (dont Fret SNCF), ainsi que Keolis et Geodis nos deux actifs stratégiques qui permettent au Groupe d’avoir un profil diversifié d’activités. La crise sanitaire en a confirmé la pertinence : lorsque la grande vitesse souffrait de la baisse des trafics due à la Covid, la logistique par Geodis et Fret connaissait une croissance dynamique. Au centre du système se trouve toujours le cœur ferroviaire français (l’infrastructure et son exploitation par les entreprises ferroviaires du Groupe) : c’est notre ADN.

Pierre Hausswalt, directeur de la stratégie et de la transformation à la SNCF

Selon vous, votre secteur est-il assez pris en compte dans le débat présidentiel ? Quel regard portez-vous sur les propositions des candidats, leur prise en compte des enjeux de votre secteur ?

Le temps du ferroviaire est un temps long. Construire, moderniser ou rénover une ligne ferroviaire, acheter du matériel roulant, c’est s’engager pour des décennies. Le temps du débat présidentiel est celui de l’évocation publique des choix stratégiques pour le pays. A l’évidence, l’écologie et les transports constituent deux thèmes intimement liés, qui ont toute leur place dans le débat politique. Il s’agit de répondre à deux questions : quelle offre de transport proposer aux Français et comment faire levier du formidable potentiel de décarbonation que recèle le transport ferroviaire ? Le Président Jean-Pierre Farandou a exposé récemment un objectif ambitieux et simple : faire « X2 », c’est-à-dire multiplier par deux la part modale du fret et le nombre de voyageurs transportés par le train. La SNCF est à même de relever ce défi majeur, qui nécessite d’accélérer la régénération et la moderniser le réseau, notamment en le digitalisant. Les investissements publics à consentir sont à la hauteur de l’enjeu. Très concrètement, faire « X2 » reviendrait à redonner au rail toute la place qui lui revient dans une économie sobre en carbone, servie par un système ferroviaire efficace, optimisé et étendu. Ce sont aussi des dizaines de milliers d’emplois qualifiés et non délocalisables.

De votre point de vue, quelles politiques publiques faudrait-il déployer pour répondre aux enjeux du secteur ? Avez-vous des propositions à apporter au débat public ?

Les politiques publiques de transport sont décidées par l’Etat au niveau national et par les autorités organisatrices des transports au niveau local. Lors de la crise de la Covid, l’Etat est intervenu pour maintenir le niveau d’investissement dans le réseau. Les enjeux de régénération et de modernisation de celui-ci sont connus. En tout état de cause, le doublement des volumes nécessite de rehausser le niveau d’investissement pour tirer parti de tout le potentiel du rail dans notre pays. Certains voisins européens ont fait récemment des annonces en ce sens (l’Allemagne a ainsi annoncé un plan de 86 Md€ sur 10 ans). En plus d’être un objet affectif pour chaque Français, le rail est un investissement d’avenir : il transporte aujourd’hui 5 millions de personnes par jour, et demain peut-être 10, tout en ayant une empreinte carbone réduite.